Une multiplication par quatre en un an. Le nombre d’actes antisémites recensés en France a bondi en 2023, à 1 676 contre 436 en 2022, selon un rapport du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), publié jeudi 25 janvier. Ce dernier déplore notamment une « explosion » des actes antisémites après le 7 octobre, date des attaques du Hamas contre Israël.
Pour enrayer le phénomène, « il faut davantage de condamnation sociale de l’antisémitisme : aujourd’hui, (…) on peut tenir des propos antisémites sans que personne ne s’offusque, sans que personne ne prenne le soin de répondre », a déploré Yonathan Arfi, président du Crif, jeudi sur le plateau de France 2. « Le prix social à payer est trop faible et participe de la banalisation de l’antisémitisme. »
Le nombre d’actes antisémites recensés multiplié par quatre
De 436 en 2022, le nombre d’actes antisémites recensés a donc bondi en 2023 à 1 676, soit près de quatre fois plus. « Un acte antisémite, c’est un acte qui vise quelqu’un pour son appartenance réelle ou supposée à la confession juive », a rappelé Yonathan Arfi sur France 2. Ces actes concernent l’ensemble du territoire : ils ont été commis dans « 616 villes ou communes différentes, et dans 95 des 101 départements français », relève le Crif.
Jamais un tel niveau n’avait été atteint, a souligné Yonathan Arfi auprès de l’AFP, en rappelant qu’« on avait quelques dizaines d’actes par an dans les années 1990, quelques centaines sur la période 2000-2022 ».
Une « explosion » après le 7 octobre
Dans un pays qui abrite la plus grosse communauté juive d’Europe (environ 500 000 personnes), le Crif constate une « explosion » (+1 000%) des actes antisémites après le 7 octobre. Durant les trois mois qui ont suivi l’attaque du Hamas, leur nombre « a égalé celui des trois années précédentes cumulées ».
« Après le 7 octobre, on aurait pu avoir un effet d’empathie (…) : ça a été le contraire », soupire le président du Crif. Ainsi, d’une quarantaine chaque mois sur la période estivale, les actes antisémites sont passés à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre.
« Le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme latent, et en désinhibant le passage à l’acte », commente Yonathan Arfi, selon qui la vision des civils israéliens massacrés a joué un rôle déclencheur dans ce phénomène. La baisse des actes antisémites en fin d’année reste « difficile à analyser » pour le président du Crif, qui reste prudent : « on reste très loin des chiffres d’avant le 7 » octobre.
Ce n’est pas la première fois qu’une vague antisémite survient après un évènement lié à l’actualité. En 2012 déjà, après l’attentat contre une école juive de Toulouse où trois enfants et un enseignant avaient été tués par le délinquant radicalisé Mohamed Merah, une hausse de 200% des actes antisémites avait été constatée. La progression avait été de 300% après l’attaque jihadiste contre le supermarché Hypercacher, en 2015.
Une majorité d’atteintes aux personnes
Dans six cas sur dix (57,8%), les actes recensés en 2023 ont été des atteintes aux personnes (violences physiques, propos et gestes menaçants…) plutôt qu’aux biens, selon le rapport. Un chiffre qui témoigne du fait que « c’est bien les juifs qui sont visés, en tant que personnes », juge Yonathan Arfi.
Dans plus de 40% des cas, il s’agissait de « propos et gestes menaçants ». Ces actes ont surtout été commis dans la sphère privée (31,9%) et sur la voie publique (20,4%), 7,5% d’entre eux ayant néanmoins été recensés sur internet. « Ce chiffre est à mettre en lien avec le sentiment, exprimé par certains Français de confession juive, d’être en insécurité dans leur propre maison, les conduisant parfois à devoir cacher tout signe de judéité », souligne le rapport.
Plus d’un acte sur dix survenu en milieu scolaire
Autre point inquiétant pour le Crif, 12,7% des actes ont eu lieu en milieu scolaire, dont une majorité au collège. « Un nombre important de ces faits sont accompagnés de propos faisant l’apologie du nazisme (près de 40% des actes) », ajoute le rapport.
« Il y a aujourd’hui une génération plus jeune qui est plus poreuse aux préjugés antisémites que les générations précédentes », note le président du Crif sur France 2. Il y a quelques années, l’opinion publique estimait « que le temps passant, la tolérance grandissait » et que « l’antisémitisme était un archaïsme historique qui allait être résolu », continue Yonathan Arfi. Auprès de l’AFP, il identifie « trois carburants » à ce phénomène : « la haine d’Israël, l’islamisme et le complotisme ».
Un bilan qui reste incomplet
Le Crif précise que le rapport a été réalisé en compilant des chiffres « recensés par le ministère de l’Intérieur » issus des remontées des commissariats et des préfectures, et par « le Service de Protection de la communauté Juive (SPCJ) ».
Un signalement effectué uniquement au SPCJ, qui propose un formulaire à cet effet sur son site, « ne sera pas intégré au décompte du ministère s’il n’a pas donné lieu par ailleurs à un dépôt de plainte ou une main courante », expliquait à Libération en novembre, alors que les chiffres de l’antisémitisme dévoilés par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, étaient critiqués. Ces chiffres ne reflètent donc « qu’une partie » des actes antisémites, ceux qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’un signalement à la police, souligne le Crif.